Les îles Canaries ne sont pas toutes égales face à la ressource en eau. Les îles sont toutes entourées par l’océan mais l’eau ne coule pas pour autant à flot. Les îles les plus à l’Est subissent des épisodes de stress hydrique, de sécheresse et manquent d’eau. Lorsque les vacanciers sont là, notamment lors des congés estivaux, les infrastructures tournent à plein régime pour fournir à tout le monde de l’eau douce en quantité et qualité suffisante.
C’est une des conséquences du surtourisme : l’eau douce manque et il faut trouver des solutions. Car répondre aux besoins en eau douce de 2 millions d’habitants pour presque 10 fois plus de touristes n’est pas une équation facile à résoudre.
Les Canaries ont donc entrepris de dessaler l’eau de mer depuis le milieu des années 1960. À l’époque une installation militaire d’occasion avait été récupérée de Cuba et installée par la ville d’Arrecife sur l’île de Lanzarote. Aujourd’hui, l’archipel fait figure de précurseur et est à la pointe en la matière par rapport aux autres destinations touristiques de l’Espagne mais aussi de l’Europe. Rien que sur les 7 îles de l’archipel, 300 unités de dessalement transforment chaque jour 700000m3 d’eau salée en eau douce.
Lanzarote et Fuerteventura dépendent à 100% du dessalement pour leur eau douce. Gran Canaria un peu moins et Tenerife encore moins mais toujours à plus de 50% de leurs usages. Sans ses usines de dessalement, l’archipel des Canaries ne pourrait pas accueillir ses vacanciers. Aujourd’hui une centaine seulement de ces installations est publique, les autres sont privées. Ce qui fait surgir d’autres questions notamment par rapport à la dépendance à cette ressource stratégique.
Concrètement, l’eau du robinet est potable et il n’y a aucun risque à se laver ou se brosser les dents avec. Le goût, lui, n’est pas forcément bon et les locaux tout comme certains vacanciers préfèrent ne pas prendre de risque et ne consomment que de l’eau en bouteille : ça évite par effet de bord les déplaisantes contrariétés intestinales. Ça permet aussi de vendre de l’eau en bouteille.
Dessaler l’eau de mer n’est pas non plus la solution miracle. D’abord, le dessalement consomme beaucoup d’énergie et il faudrait le coupler avec un mécanisme de cogénération d’énergie. L’opération de dessalement impose de faire passer l’eau de mer sous pression à travers une membrane très fine. L’eau passe à travers, le sel reste coincé par la membrane. C’est ce que l’on appelle l’osmose inverse. Or, pour réaliser ces opérations de filtrage, ce sont des énergies fossiles qui sont utilisées la plupart du temps et qui émettent des gaz à effet de serre.
D’ou l’intérêt de trouver des lieux et des installations ou l’énergie est produite exprès pour diminuer – voir supprimer – la part d’énergie fossile dans le dessalement. Les installations géothermiques, photovoltaïques et houlométriques existent déjà mais ne sont pas encore très répandues. Aux Canaries, le parc éolien situé au Nord de Fuerteventura contribue à hauteur de 70% à l’énergie électrique nécessaire aux usines de Puerto del Rosario et Corralejo. Autre exemple : au large de Grande Canarie sur sa face Est, une plateforme de dessalement alimenté par l’énergie des vagues est en test.
Ensuite, que faire du sel filtré ? La saumure obtenue par les options de dessalement est chaude et concentrée en sel mais contient aussi d’autres substances chimiques utilisées lors du processus de dessalement : l’ensemble contribue à acidifier l’océan Atlantique et favorise le développement d’algues.
Du côté des Canaries, le bon sens a permis de trouver des solutions à cette mal adaptation. Les touristes consomment beaucoup d’eau et veulent profiter de leur séjour dans un cadre agréable sans s’embêter avec des restrictions d’eau : ça c’est le constat et le problème. La solution est alors la suivante : l’eau du robinet est différenciée de l’eau d’arrosage. Pour arroser la végétation plantée en ville, l’eau est moins filtrée et moins dessalée. Pour un usage domestique, l’eau passe par d’autres tuyaux et subit plus de traitements. Enfin, le prix du m3 d’eau dépend du volume consommé : plus les volumes augmentent, plus le prix du m3 augmente aussi. Pas certain que ces solutions suffisent…