La légende de Garajonay

Il y a fort longtemps, alors que l’homme moderne n’était pas encore de ce Monde, l’amour et le poids des traditions s’entrechoquaient parfois violemment. C’est le cas de l’histoire d’amour impossible entre deux jeunes gens de nobles lignées, Gara et Jonay.

Jonay est prince de Tenerife. Il est jeune, beau, impétueux et son caractère impulsif n’a que trop peu été tempéré par son éducation et sa position dans l’échelle sociale qui l’ont habitué à obtenir tout ce qu’il désirait. Gara est princesse de la Gomera. Elle est riche, exigeante et très belle et déteste qu’on lui dicte sa conduite.

Il n’y avait pas de rallye à cette époque, mais les jeunes gens de bonne famille se fréquentait en de nombreuses occasions et les futures têtes couronnées pouvaient alors jouer au jeu du pouvoir, des alliances, de la stratégie et de la diplomatie. Il pouvait aussi découvrir leurs futurs partenaires, car les mariages étaient alors arrangés. C’est dans ce contexte que Gara rencontre Jonay. Enfants, ils étaient partenaires de jeu, mais en grandissant, des sentiments réciproques plus forts ont commencé à émerger puis à littéralement déborder. Tant et si bien, qu’à l’aube de l’âge adulte, les deux jeunes prétendants au trône de leur île respective brulaient d’amour l’un pour l’autre. Et tout le monde connaît la fougue de la jeunesse et l’entièreté des sentiments causés par un trop-plein d’hormones.

Après une ultime et trop brève rencontre, n’y tenant plus, le prince de Tenerife pris la mer. Grâce à des outres de chèvres remplies d’air faisant office de flotteurs, il s’élança à la nage pour traverser la trentaine de kilomètres qui séparait son île de l’île de sa bien-aimée. Bien qu’impressionnée par sa bravoure, la princesse de la Gomera, se refuse à lui. Elle lui oppose, non pas son amour qui est réel et tout aussi fort que le sien, que le poids des traditions : jamais dans sa famille royale, les princesses n’ont épousé un homme venant d’une autre île.

Fou de douleur, le prince Jonay essaie de la convaincre par la force, mais est vite arraisonné par les gardes. Et on ne s’attaque pas à une princesse sans en risquer les conséquences, tant et si bien que l’amoureux éconduit est mis aux fers et juger dès le lendemain à la peine de mort.

Ne pouvant tolérer cette situation et face à ce dilemme, la princesse Gara parvient à faire libérer Jonay et tous deux s’enfuient en direction de la montagne qui porte aujourd’hui le nom d’Alto de Garajonay. Poursuivis par la famille de la princesse, les deux jeunes amoureux se retrouvent finalement encerclés. Ne pouvant pas fuir et ne pouvant pas supporter le sort qui les attend, ils décident de se suicider avec des flèches de bois. Les larmes qui précèdent le drame roulèrent jusqu’au sol et, en abreuvant la terre desséchée, firent jaillir la forêt du Parque Nacional de Garajonay.

Le sommet sur lequel s’est déroulé la fin tragique porte leurs deux noms accolés pour l’éternité.

Cette légende est une des plus célèbres des Canaries. Son authenticité est pourtant remise en cause par les sources scientifiques. À l’époque à laquelle se déroule l’histoire, les autochtones ne savaient pas naviguer entre les îles. De plus, Garajonay, plutôt que d’indiquer 2 prénoms, pourrait signifier « haut rocher » en langue guanche. Enfin, il n’existe pas de trace de cette légende avant l’arrivée des envahisseurs européens.

Pour compliquer le tout, cette légende existe en diverses variations avec Jonay qui serait non pas un prince, mais un enfant bâtard, fils d’esclave déguisé en guerrier.

Basée sur des faits réels ou pas, cette histoire a frappé le cœur des habitants des Canaries et aujourd’hui, tous les habitants la connaissent.

Publié / actualisé par Christophe
Le 7 janvier 2025