Pauvreté, bouleversement climatique, conflits armés, famine… les raisons ne manquent pas pour les Africains de rêver d’un avenir plus radieux. L’Europe semble à portée et pour certains, la moins mauvaise solution est de partir pour tenter de rejoindre l’Europe coûte que coûte. Les aspirations à rejoindre le vieux continent ne sont pas nouvelles. Ce qui est nouveau en revanche (depuis 2020), c’est la route des Canaries.
HIstoriquement, la porte de l’entrée vers l’Europe se trouvait de l’autre côté de la Méditerannée. Les bateaux partaient alors de la Tunisie, de l’Algérie, du Maroc ou encore de la Lybie et voguaient en direction de l’Espagne, de l’Italie ou de la Grèce. Des moyens importants de contrôle des flux migratoires et le chamboulement dû au COVID-19 a complètement rebattu les cartes et a rendu la route historique du Nord beaucoup moins intéressante.
Les flux migratoires illégaux se sont donc tournés vers la route de l’Atlantique. Les réseaux de passeurs ont changé leurs routes et préfèrent la route des Canaries, moins contrôlée. Les Canaries (qui font partie de l’Espagne et donc de l’Europe) ne sont situés qu’à une centaine de kilomètres de l’Afrique à la frontière entre le Maroc et le Sahara occidental. Des embarcations font aussi le voyage depuis la Gambie, le Sénégal ou la Mauritanie. Plus étonnant, la route la plus courte, la plus surveillée, est parfois délaissée et les migrants n’hésitent pas à viser El Hierro située pourtant à 1500km et 6-8 jours de voyage en haute mer.
Il faut dire que la route des Canaries était déjà connue : en 2006, la crise des cayucos avait permis à plus de 35000 migrants sans papiers et réfugiés d’accoster aux Canaries.
Cette route est aussi plus dangereuse. La traversée est longue – de 8 à une dizaine de jours si tout va bien mais le trajet peut être beaucoup plus long. Pour effectuer le voyage, les embarcations sont sommaires, souvent en mauvais état, surchargées et avec trop peu de vivres et d’eau douce. Les courants sont forts et il est estimé que 10% des navires font naufrage. De plus, beaucoup de migrants meurent aussi lorsque la traversée ne se passe pas comme prévu (avarie, traversée trop longue).
En approche des côtes canariennes, les embarcations sont secourues en mer. Des hôtels non occupés pendant le COVID avaient été réquisitionnés. Désormais, il y a des centres d’accueil sur Tenerife, Grande Canarie et Fuerteventura. Pour autant, une fois la traversée réalisée, la situation pour les migrants ayant réussi à mettre le pied sur une des îles des Canaries est loin d’être facile et le trajet vers l’Europe continental est encore long. Le nombre important de migrants et des moyens nettement sous-dimensionnés du côté des autorités espagnoles entraînent des problèmes en cascade (lenteurs, surpopulation dans les centres, conditions de vie très dégradées) et l’apparition de sentiments et de manifestations anti-migrants alors que l’Espagne était plutôt épargnée jusqu’à présent.