Comme beaucoup de lieux en Europe, les Canaries sont face à une dualité : le tourisme est un moteur très important de l’économie et la richesse de l’archipel de même que la hausse du niveau de vie des habitants sont directement liées aux revenus du tourisme. Le tourisme est sur l’archipel la principale source de richesse et d’emplois. Dans le même temps, le tourisme a un impact bien visible la vie au quotidien et épuise les ressources naturelles limitées des îles.
Les habitants commencent à s’en plaindre : constitutions en associations, actions militantes et démonstrations coup de poing. La contestation n’est pas encore généralisée, mais ça grince des dents et le mécontentement se diffuse dans la popularité. Ce que reproche la minorité de canariens qui manifeste c’est :
- L’impression que les touristes sont privilégiés et ne respectent pas les locaux ;
- La foule, le bruit et toutes les nuisances liées au tourisme de masse et notamment des dépenses en eau très supérieures pour les vacanciers (600l par jour contre 150l par jour pour les locaux) qui pèsent sur les ressources et forcent à trouver des parades (usines de dessalinisation). Le trafic aérien est, lui aussi, très important ;
- L’homogénéisation de l’offre (restauration, hébergement, loisirs) au détriment des spécificités locales ;
- Une hausse du coût du logement avec des propriétaires préférant louer pour des séjours de courte durée à des vacanciers prêts à dépenser plus plutôt que de louer aux locaux à l’année. Les locations de courte durée génèrent en cascade des problèmes : nuisances sonores notamment la nuit et en semaine, détérioration accélérée des espaces communs dans les immeubles, allers et venues incessantes ;
- Une bétonisation des côtes et le développement d’ensemble hôteliers importants de façon trop peu régulée. Les stations balnéaires ou se massent les touristes ne sont pas belles ;
- Des difficultés de circulation en voiture à causes des vacanciers qui ne connaissent pas bien les lieux, qui prennent leur temps et qui génèrent des ralentissements et complications diverses ;
- Une hausse globale des prix qui est tirée par les dépenses des touristes alors que les salaires des locaux n’augmentent pas aussi vite…
La situation n’est pas nouvelle. La crise du Covid aurait pu être l’occasion pour l’archipel de changer son fusil d’épaule et basculer d’un tourisme de masse vers un tourisme plus soutenable. Depuis les années 1960, les Canaries doivent leur développement au tourisme. Après plusieurs décennies de perfusion aux rentrées d’argent du tourisme, il n’est pas facile de remettre en question une telle manne. La situation s’accélère même avec une baisse des autres secteurs d’activités (agriculture et exportation).
Les Canaries vivent du tourisme de masse avec des voyages low cost tout compris très prisés de nos voisins allemands et anglais. Les plus jeunes préfèrent le all-inclusive avec activités et alcool coulant à flot. Les plus âgés préfèrent la tranquillité et les balades en bord de mer et c’est surtout cette seconde population qui vient aujourd’hui aux Canaries. Mais à la différence des Baléares, qui peuvent ressembler par certains aspects aux Canaries, la réflexion vers un tourisme plus éthique et respectueux des ressources locales n’est pas encore un sujet dont les canariens se sont emparés.
La commission européenne s’est penchée sur la question (avec rapport de Yeray Hernandez sur la résilience du tourisme sur Tenerife) et les conclusions sont sans appel : le modèle touristique des Canaries ne peut pas tenir dans le temps. Et ça commence à presser. À part des déclarations de principe, les officiels ne proposent pour l’instant rien de concret et la plupart des canariens sont très positifs face au tourisme. Le surtourisme est bien là et le compte à rebours a commencé.