SItué au large de l’Afrique, l’archipel des Canaries n’échappe aux conséquences du dérèglement climatique. Son climat, vanté comme étant le meilleur du Monde repose sur des équilibres fragiles que le réchauffement de la planète pourrait bien bouleverser complètement.
Les Canaries doivent leur climat parfait à leur situation géographique : Le Sud du Maroc n’est qu’à une centaine de kilomètres et la latitude apporte une chaleur tempérée par l’immense masse d’eau de l’Océan Atlantique. Les sommets volcaniques s’élèvent à plus de 3000m et les Alizés balayent les îles de l’Archipel. Il y pleut de façon variée en fonction des îles, des versants et des altitudes. Tout un ensemble d’espèces endémiques (faune et flore) profite de ce subtil mélange. L’anthropocène chamboule tout ça avec son lot d’événements climatiques de plus en plus brutaux et intenses.
La calima
La calima est un vent chaud qui vient du Sahara à l’Est. Il n’est pas nouveau pour les habitants des Canaries mais le réchauffement climatique le renforce. Il perturbe la vie locale et aussi la santé des personnes qui le subissent. Les particules de poussières causent des problèmes respiratoires pour les publics à risque.
Moins de précipitations
Chaque année, les précipitations sont en baisse. Les Canaries bénéficiaient d’un printemps éternel avec des pluies et une douce chaleur toute l’année. De plus en plus, l’eau vient à manquer et les ruisseaux s’assèchent. Avec moins d’eau, le printemps permanent qui permet aux feuilles de se renouveler sans cesse va laisser place à un climat plus aride.
Pour lutter contre la sécheresse et le manque d’eau, les agriculteurs utilisent déjà des barrières à brouillard : il s’agit de grandes toiles fixées sur les passages du vent et de la brume. L’eau en suspension s’accroche aux filets de récupération et est récupérée aux pieds de ces derniers. Il est ainsi possible de récupérer plusieurs mètres cubes d’eau potable par jour avec moins de 500m de filets.
Plus de feux
Les éruptions volcaniques sont normales sur des îles volcaniques et il n’est pas possible de les limiter. Mais les feux de forêts ont des causes directement liées au réchauffement et à la présence humaine. Les autorités et les responsables des parcs nationaux surveillent de près les incendies. D’autant plus qu’avec un réchauffement de seulement 2 degrés, une saison estivale de méga-feux a une probabilité de survenir tous les 12 ans.
La situation est empirée par les anciennes zones agricoles délaissées. Auparavant l’activité agricole générait la présence de zones tampons. Quand les champs sont abandonnés, la végétation qui y pousse facilite les départs et la propagation de feus.
La forêt malade, des espèces en danger d’extinction
Les forêts primaires des Canaries souffrent du manque d’eau. C’est particulièrement vrai pour la laurisylve ou forêt de brume. Ce type de forêt, autrefois répandu partout autour de la Méditerannée n’existe plus qu’aux Canaries aux Açores et à Madère. Sur la Gomera, ou elle est la plus préservée, elle est désormais malade. La forêt était auparavant très dense et le soleil ne parvenait pas jusqu’au sol. L’eau manque depuis les années 90 et beaucoup d’arbres ne survivent pas.
Il n’y a pas que la flore qui subit ces conséquences. Les Canaries détiennent le triste record de l’extinction d’espèces en Europe. Les écosystèmes étant fragiles, beaucoup d’espèces endémiques n’arrivent plus à survivre. Animaux et fleurs sont affaiblis et disparaissent plus vite qu’ailleurs. Pour protéger ce patrimoine naturel, malgré des efforts avec des programmes de conservation, les moyens humains et financiers ne suivent pas.
Migrations humaines
Pour l’Afrique, la route vers l’Europe ne passe pas forcément par la Méditerannée. La route de l’Atlantique qui permet de mettre pied en Espagne en passant par les Canaries retrouve beaucoup d’intérêt ces dernières années. Le voyage est plus dangereux mais le désespoir des migrants y voit un espoir de vie meilleure.
Et aussi
Aux Canaries, d’autres risques sont connus : l’apparition de cyclones tropicaux, inondations lors d’épisodes de précipitations extrêmes, vagues de chaleur, apparition de maladies liées aux changements des écosystèmes…
Face à tous ces dérèglements, en plus de la limitation des actions humaines préjudiciables au climat, l’adaptation reste le maître mot. C’est ainsi que la bodega El Grifo sur Lanzarote, qui produit du vin depuis 250 ans a testé pour la première fois en 2022 une vendange au mois… d’avril. À cause du climat qui empêche la mise en pause hivernale, l’équipe de ce vigneron a réussi à inverser le cycle végétatif de la plante : repos en été et production en hiver. Résultat : moins besoin d’eau, moins de produits phytosanitaires et un vin avec un goût plus riche et plus frais.